Un jour Gustav Janouch demanda a Kafka:
"Vous n'aimez pas le cinéma?"
Après avoir réfléchi un instant Kafka répondit:
"En fait je n'y ai jamais réfléchi. Il est vrai que c'est un jouet magnifique mais je ne le supporte pas, peut-être parce que je suis trop visuel. Je suis un de ces êtres chez qui prime la vue. Or le cinéma perturbe la vision. La rapidité des mouvements et la succession précipitée des images vous condamnent à une vision superficielle de façon continue. Ce n'est pas le regard qui saisit les images, ce sont elles qui saisissent le regard. Elles submergent la conscience. Le cinema contraint l'oeuil à endosser un uniforme, alors que jusqu'ici il était nu."
Conversations avec Kafka, Gustav Janouch.
One day Gustav Janouch asked Kafka:
"You do not like movies?"
After reflecting a moment Kafka replied:
"In fact I've never thought about it. It is true that it is a wonderful toy but I do not stand it, perhaps because I'm too visual. I am one of those for whom sight comes first. But film disturbs sight. The speed of the movements and the precipitated succession of images condemn you continuously to a superficial view. It is not the eye that captures images, they capture the eye. They overwhelm the consciousness. The cinema forces the eye to wear a uniform, while he was naked until now. " (my translation, quickly adapted fro the google rendition)
Wednesday, March 31, 2010
Saturday, March 27, 2010
Niemand
Der Ausflug ins gebirge
" Ich weiß nicht", rief ich ohne klang " ich weiß ja nicht. Wenn niemand kommt, dann kommt eben niemand. Ich habe niemandem etwas böses getan, niemand hat mir etwas böses getan, niemand aber will mir helfen. Lauter niemand. Aber so ist es doch nicht. Nur daß mir niemand hilft -, sonst wäre lauter niemand hübsch. Ich würde ganz gern -warum denn nicht - einen Ausflug mit einer gesellschaft von lauter Niemand machen. Natürlich ins gebirge, wohin denn sonst? Wie sich diese Niemand aneinander drängen, diese vielen quer gestreckten und eingehängten arme, diese vielen füße , durch winzige schritte getrennt ! versteht sich, daß alle in frack sind. Wir gehen so lala , der wind fährt durch die lücken, die wir und unsere gliedmaßen offen lassen. Die hälse werden im gebirge frei! es ist ein wunder, daß wir nicht singen."
Kafka . Extract in « Betrachtung » 1913. « Contemplation ».
A very pure piece of writing, taken from Niemand. Translated in french :
Excursion dans la montagne.
" Je ne sais pas ", m’écriai-je d’une voix sans timbre," je ne sais vraiment pas. Si personne ne vient, eh bien, il ne vient personne. Je n’ai fait de mal à personne, personne ne m’a fait de mal, cependant personne ne veut m’aider. Absolument personne. Mais non, ce n’est pas cela. Juste que personne ne m’aide – sinon, absolument personne, ce serait charmant. J’aimerais bien faire – et pourquoi pas ? -une excursion avec un groupe d’absolument Personne. Bien sûr en montagne, où donc sinon ? Comme ces Personne se pressent les unes contre les autres, tous ces bras écartés et accrochés, tous ces pieds séparés par de minuscules pas ! Il va de soi que tous sont en frac . Nous allons notre bonhomme de chemin , le vent passe à travers les espaces que nous laissons libres entre nos membres et nous. En montagne les gorges se déploient ! C’est miracle que nous ne chantions pas. "
The excursion into the Mountains
'I don't know,' was my soundless cry,' I really do not. If nobody comes, well then, nobody comes. I've done nobody harm, nobody's harmed me, yet nobody wants to help me. Just nobody. But that's not quite how it is. It's simply that nobody helps me-, apart from that, just Nobody would be fine. I'd really quite like to make an excursion - and why not - with a party of just Nobodies. Into the mountains, of course, where else? How these Nobodies crowd together, all these manifold arms,stretched out crosswise and linked together, all these manifold feet with tiny paces between them! It goes without saying that they all wear evening dress. We don't get along too badly, the wind blows through the gaps that we and our limbs leave open. Our throats become clear in the mountains! It's a wonder we don't start singing.'
" Ich weiß nicht", rief ich ohne klang " ich weiß ja nicht. Wenn niemand kommt, dann kommt eben niemand. Ich habe niemandem etwas böses getan, niemand hat mir etwas böses getan, niemand aber will mir helfen. Lauter niemand. Aber so ist es doch nicht. Nur daß mir niemand hilft -, sonst wäre lauter niemand hübsch. Ich würde ganz gern -warum denn nicht - einen Ausflug mit einer gesellschaft von lauter Niemand machen. Natürlich ins gebirge, wohin denn sonst? Wie sich diese Niemand aneinander drängen, diese vielen quer gestreckten und eingehängten arme, diese vielen füße , durch winzige schritte getrennt ! versteht sich, daß alle in frack sind. Wir gehen so lala , der wind fährt durch die lücken, die wir und unsere gliedmaßen offen lassen. Die hälse werden im gebirge frei! es ist ein wunder, daß wir nicht singen."
Kafka . Extract in « Betrachtung » 1913. « Contemplation ».
A very pure piece of writing, taken from Niemand. Translated in french :
Excursion dans la montagne.
" Je ne sais pas ", m’écriai-je d’une voix sans timbre," je ne sais vraiment pas. Si personne ne vient, eh bien, il ne vient personne. Je n’ai fait de mal à personne, personne ne m’a fait de mal, cependant personne ne veut m’aider. Absolument personne. Mais non, ce n’est pas cela. Juste que personne ne m’aide – sinon, absolument personne, ce serait charmant. J’aimerais bien faire – et pourquoi pas ? -une excursion avec un groupe d’absolument Personne. Bien sûr en montagne, où donc sinon ? Comme ces Personne se pressent les unes contre les autres, tous ces bras écartés et accrochés, tous ces pieds séparés par de minuscules pas ! Il va de soi que tous sont en frac . Nous allons notre bonhomme de chemin , le vent passe à travers les espaces que nous laissons libres entre nos membres et nous. En montagne les gorges se déploient ! C’est miracle que nous ne chantions pas. "
The excursion into the Mountains
'I don't know,' was my soundless cry,' I really do not. If nobody comes, well then, nobody comes. I've done nobody harm, nobody's harmed me, yet nobody wants to help me. Just nobody. But that's not quite how it is. It's simply that nobody helps me-, apart from that, just Nobody would be fine. I'd really quite like to make an excursion - and why not - with a party of just Nobodies. Into the mountains, of course, where else? How these Nobodies crowd together, all these manifold arms,stretched out crosswise and linked together, all these manifold feet with tiny paces between them! It goes without saying that they all wear evening dress. We don't get along too badly, the wind blows through the gaps that we and our limbs leave open. Our throats become clear in the mountains! It's a wonder we don't start singing.'
The green dragon
Es öffnete sich die Tür und es kam, gut im Saft, an den Seiten üppig gerundet, fußlos mit der ganzen Unterseite sich vorschiebend der grüne Drache ins Zimmer herein. Formelle Begrüßung. Ich bat ihn völlig einzutreten. Er bedauerte dies nicht tun zu können, da er zu lang sei. Die Tür mußte also offen bleiben, was recht peinlich war. Er lächelte halb verlegen, halb tückisch und begann:
Durch Deine Sehnsucht herangezogen, schiebe ich mich von weither heran, bin unten schon ganz wundgescheuert. Aber ich tue es gerne. Gerne komme ich, gerne biete ich mich Dir an.
La porte s’ouvrit et le dragon vert entra dans la chambre, savoureux, les flancs voluptueusement arrondis, sans pattes, se poussant en avant avec tout le bas de son corps. Salutations de pure forme. Je le priai d’entrer tout à fait. Il regretta de ne pouvoir le faire, étant trop long pour cela. La porte dut donc rester ouverte, ce qui était fort désagréable. Il me sourit d’un air à moitié gêné, à moitié perfide, et commença ainsi :
Attiré par ton désir, je viens de très loin et me traîne jusqu’ici, mon ventre en est déjà tout écorché. Mais je le fais avec plaisir. C’est avec plaisir que je viens, avec plaisir que je m’offre à toi.
The door opened and what entered the room, fat and succulent, its sides voluptuously swelling, footless, pushing itself along on its entire underside, was the green dragon. Formal salutation. I asked him to come right in. He regretted he could not do that, as he was too long. This meant that the door had to remain open, which was rather awkward. He smiled, half in embarrassment, half cunningly, and began:
Drawn hither by your longing, I come pushing myself along from afar off, and underneath am now scraped quite sore. But I am glad to do it. Gladly do I come, gladly do I offer myself to you.
Franz Kafka, Parables and Paradoxes.
I love this text!
Durch Deine Sehnsucht herangezogen, schiebe ich mich von weither heran, bin unten schon ganz wundgescheuert. Aber ich tue es gerne. Gerne komme ich, gerne biete ich mich Dir an.
La porte s’ouvrit et le dragon vert entra dans la chambre, savoureux, les flancs voluptueusement arrondis, sans pattes, se poussant en avant avec tout le bas de son corps. Salutations de pure forme. Je le priai d’entrer tout à fait. Il regretta de ne pouvoir le faire, étant trop long pour cela. La porte dut donc rester ouverte, ce qui était fort désagréable. Il me sourit d’un air à moitié gêné, à moitié perfide, et commença ainsi :
Attiré par ton désir, je viens de très loin et me traîne jusqu’ici, mon ventre en est déjà tout écorché. Mais je le fais avec plaisir. C’est avec plaisir que je viens, avec plaisir que je m’offre à toi.
The door opened and what entered the room, fat and succulent, its sides voluptuously swelling, footless, pushing itself along on its entire underside, was the green dragon. Formal salutation. I asked him to come right in. He regretted he could not do that, as he was too long. This meant that the door had to remain open, which was rather awkward. He smiled, half in embarrassment, half cunningly, and began:
Drawn hither by your longing, I come pushing myself along from afar off, and underneath am now scraped quite sore. But I am glad to do it. Gladly do I come, gladly do I offer myself to you.
Franz Kafka, Parables and Paradoxes.
I love this text!
Two sketches by Franz Kafka
Existential pain.
Today I looked at some books at the used books market in the old Nice, I was surprised by the quality of what was offered there. I bought: Conversations avec Kafka from Gustav Janouch.
"... Le poète est en réalité toujours beaucoup plus petit et plus faible que la moyenne de la société. C'est pourquoi il éprouve la pesanteur de l'existence beaucoup plus intensément et fortement que les autres hommes. Chanter n'est, pour lui personellement, qu'une façon de crier. L'art est pour l'artiste une souffrance, par laquelle il se libère pour une nouvelle souffrance. Il n'est pas un géant, mais un oiseau plus ou moins multicolore dans la cage de son existence."
"... The poet is actually allways much smaller and weaker than the society's average. That's why he feels the weight of life much more intensely and strongly than other men. Singing is, for him personally, a way of screaming. For the artist art is suffering, through which he frees himself for a new suffering. He is not a giant, but a more or less colorful bird in the cage of its existence. "
"... Le poète est en réalité toujours beaucoup plus petit et plus faible que la moyenne de la société. C'est pourquoi il éprouve la pesanteur de l'existence beaucoup plus intensément et fortement que les autres hommes. Chanter n'est, pour lui personellement, qu'une façon de crier. L'art est pour l'artiste une souffrance, par laquelle il se libère pour une nouvelle souffrance. Il n'est pas un géant, mais un oiseau plus ou moins multicolore dans la cage de son existence."
"... The poet is actually allways much smaller and weaker than the society's average. That's why he feels the weight of life much more intensely and strongly than other men. Singing is, for him personally, a way of screaming. For the artist art is suffering, through which he frees himself for a new suffering. He is not a giant, but a more or less colorful bird in the cage of its existence. "
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